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Un sentiment croissant de pauvreté
jeudi 10 janvier 2019, par - Au fil des jours - Développement Durable - Emploi
Pour l’INSEE, la définition officielle de la pauvreté se situe à 60% du niveau de vie médian , soit 1096 €/mois.
Mais deux sociologues (Nicolas Duvaux et Adrien Papuchon) ont mené une enquête sur le côté subjectif de la pauvreté : quels sont celles et ceux qui se considèrent comme pauvres ? (note1)
Surprise : Il n’y a pas que les gens en-dessous du seuil de pauvreté qui se sentent pauvres ; ni même que des chômeurs. Il y a aussi des gens qui perçoivent jusqu’à 20% de plus que le seuil de pauvreté.
Le point commun à l’ensemble de ces ‘pauvres subjectifs’ ? C’est un pessimisme pour leur propre avenir, associé à la conviction d’avoir subi un déclassement social vécu comme irréversible.
Au-delà de la faiblesse des revenus, la pauvreté ressentie se nourrit également d’un fragilisation du parcours de vie et d’une absence de perspectives d’amélioration de l’existence, ce qu’on peut traduire par ‘Insécurité sociale’.
Comment devient-on pauvre ? (note2)
Robert Castel souligne qu’être salarié, ce n’est pas seulement toucher un salaire régulier. C’est aussi bénéficier de différents dispositifs associés fournissant aux salariés et à leur famille des protections contre différents risques de l’existence (maladie, perte d’emploi, …), ce qui leur permet de ne plus vivre au jour le jour. C’est pourquoi Robert Castel parle non pas d’exclusion, mais de désaffiliation.
Or, ces dernières années, on a vu ces protections refluer, par exemple par la loi de révision du code du travail, qui a renforcé l’utilisation de contrats précaires : missions de très courtes durées, temps partiel non choisi, statuts précaires (autoentrepreneur, tâcheron, ubérisation, …).
D’un autre côté, les liens familiaux et les réseaux d’entraide privée ont tendance à se distendre, en fonction du nombre croissant de séparations…
Enfin, les dispositifs d’assurance sociale tendent à être remplacés par des politiques d’assistance, et donc à exclure du monde ‘normal’.
L’individu peut plus souvent se retrouver isolé, en marge, fragilisé économiquement, sans point d’appui et sans avenir.
Il apparait ainsi que la pauvreté est un phénomène social, et pas seulement économique, une spirale marquée par des ruptures progressives de liens sociaux.
Note 1 : "Qui se sent pauvre en France ? Pauvreté sociale et insécurité sociale", enquête publiée dans la Revue française de sociologie de décembre 2018. Alter Eco se fait l’écho de cette enquête dans son N° de janvier 2019.
Note 2 : Cette question est traitée par deux sociologues dans deux ouvrages : "La montée des incertitudes. Travail, protections, statut de l’individu" de Robert Castel et "La régulation des pauvres" de Serge Paugam et Nicolas Duvoux. Il en est rendu compte, également, dans Alter Eco de janvier 2019.
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