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Nourrir l’Europe sans pesticides ?
dimanche 21 avril 2019, par - Au fil des jours - Développement Durable
Telle est la question posée par Mathilde Gérard dans Le Monde du 20 avril, à partir d’une étude de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri, think tank rattaché à l’Institut d’études politiques de Paris).
Serait-il possible de nourrir la population européenne avec une agriculture débarrassée des intrants chimiques moins émettrice en gaz à effet de serre et préservant la biodiversité et qui pourrait satisfaire plusieurs exigences parfois perçues comme contradictoires : améliorer la qualité de l’alimentation des Européens, diminuer l’impact climatique de l’agriculture et protéger l’environnement ? Cela impliquerait de renoncer aux fertilisants de synthèse et aux pesticides, une désintensification de l’élevage, une augmentation de la surface des prairies permanentes et la replantation de haies, arbres, mares et habitats pierreux.
"Ces paramètres induiraient une baisse des rendements agricoles de l’ordre de 10 % à 50 % selon les cultures, et in fine une baisse de la production de 35 %. Mais si en parallèle les pratiques de consommation évoluaient, ce scénario pourrait permettre de nourrir les 530 millions d’individus que comptera l’Union européenne’ en 2050. assurent les auteurs de l’étude. Pour cela. il faudrait que les Européens mangent plus de végétaux (céréales. légumineuses. fruits et légumes) et moins de produits carnés, comme le préconisent le Programme national nutrition santé pour la France ou l’Organisation mondiale de la santé. Dans ce scénario, une part de la production - Ies céréales. les produits laitiers et le vin notamment — peut encore être exportée.
Proscrire les élevages intensifs
Tandis que l’élevage est montré du doigt comme l’un des principaux contributeurs d’émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole. les chercheurs de l’Iddri considèrent que les ruminants ont un rôle à jouer. à condition de proscrire les élevages intensifs et les fermes-usines. et de diminuer les volumes de production. « On a besoin de bovins pour nos prairies », argumente Pierre-Marie Aubert, coauteur de l’étude. « pour l’entretien des sols ; pour conserver la biodiversité, et parce que les vaches mangent ce que les hommes ne peuvent pas manger. » L’élevage d’animaux dits monogastriques (porcs. volailles. poules pondeuses ..., qui se nourrissent de céréales), dont l’alimentation rentre directement en compétition avec l’alimentation humaine, serait, lui, réduit de 70 %. "
"Viabilité économique
Dans leur modèle d’agriculture extensive et sans intrants chimiques, les chercheurs calculent qu’il est possible de diminuer de 40 % les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture. par rapport à l’année 2010 ; en supprimant notamment la « déforestation importée » liée aux achats à l’étranger de soja pour alimenter le bétail.
La question de la viabilité économique d’un tel modèle pour les agriculteurs et les consommateurs reste en revanche posée. Celle-ci fera l’objet d’une prochaine étude. Mais les chercheurs assurent que leur modèle n’entraînerait pas forcément une hausse de prix. « Quand on évoque la production alimentaire, il faut prendre en compte tous les coûts. y compris les externalités, comme les dépenses de santé ou celles liées à la dépollution de l’eau », explique Xavier Poux. Coauteur."
Au cours des Etats généraux de l’alimentation, "l’un des quatorze ateliers était consacré à la transition agro écologique : douze propositions en avaient été tirées pour atteindre l’objectif d’un tiers de production bio en France à l’horizon 2030 un tiers de production conventionnelle et un tiers de production à « haute valeur environnementale » (HVE). Mais ces formulations n’ont pas été retranscrites dans la loi Egalim votée le 30 octobre 2018, celle-ci se concentrant sur la question des prix."
Quant à l’échelon européen. Les négociations en cours sur la politique agricole commune (PAC) pour la période 2021-2027 achoppent pour le moment sur le montant de l’enveloppe globale, qui baisserait selon une proposition de la Commission de 5 % par rapport au cadre actuel.
"Reste à savoir si les futurs élus européens, qui poursuivront après les élections du 26 mai les discussions autour de la future PAC, afficheront la volonté de sortir du modèle agricole intensif et d’accompagner politiquement la transition écologique."
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