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Loi travail nouvelle mouture : bilan provisoire

mercredi 16 mars 2016, par Patrick Cotrel - - -

On peut relever des progrès et des régressions par rapport au code du travail actuel, selon les déclarations de Manuel Valls (en l’absence du texte du projet de loi).

Les progrès :
- La garantie jeunes sera progressivement étendue à tous les jeunes sans emploi ni qualification de plus de 18 ans, Ce dispositif expérimenté avec succès consiste à assurer un accompagnement pouvant aller jusqu’à 18 mois par les Missions Locales et comporte une rémunération. Elle débouche sur un emploi ou une formation professionnelle qualifiante. Cette annonce est incontestablement un progrès.
- Davantage de droits à la formation pour les salariés « peu qualifiés ». Manuel Valls a assuré que les salariés « peu qualifiés » (sans plus de précision) pourront voir leur compte personnel d’activité crédité jusqu’à quarante heures par an (contre vingt-quatre heures pour le reste des travailleurs) et que le plafond sera porté de 150 heures à 400 heures.
- La règle des 50 % de syndicats représentatifs et du référendum d’entreprise sera mise en place progressivement. Dans le droit du travail actuel, il suffit de l’accord de syndicats représentant 30 % des salariés pour conclure un accord d’entreprise. Ce seuil pourrait être porté à 50 %. Mais cette application ne concernera d’abord que les modifications de la durée du travail, avant d’être « étendue aux autres chapitres du code du travail ».

Les régressions auxquelles on a échappé :
- Le barème des indemnités prud’homales pour licenciement abusif devient indicatif.
Astreinte, durée de travail, temps partiel : retour à la situation actuelle ? Selon le premier ministre, "le projet de loi ne changera pas les dispositions applicables aujourd’hui en matière d’astreintes, de durée du travail des apprentis, de durée hebdomadaire maximale de travail, de temps d’habillage et de déshabillage, de réglementation du temps partiel". Certaines de ces dispositions étaient critiquées, comme le délai de prévenance en cas d’astreinte et le décompte du temps de repos ou la possibilité d’augmenter les horaires d’un apprenti de moins de 18 ans sans demander l’autorisation de l’inspection et de la médecine du travail.
- Un minimum garanti pour les congés pour événements familiaux. La première version du projet de loi permettait aux accords d’entreprise de fixer les durées de congés en cas de mariage, décès d’un proche (etc.) sans en préciser les limites. La nouvelle version prévoit que ces accords ne pourront pas déterminer de durée inférieure à la durée actuellement fixée par le code du travail.
- Forfait jours dans les TPE et PME : possibilité de « mandater » un délégué. La première version de l’avant-projet de loi permettait aux entreprises de moins de 50 salariés d’imposer des forfaits jours sans accord collectif. La nouvelle version prévoit désormais la possibilité de désigner un salarié (« mandatement »), qui jouera le rôle de représentant du personnel et pourra négocier avec l’entreprise, pour appliquer des accords types conclus au niveau de la branche.
- Modulation du temps de travail : l’accord de branche prévaudra. Les entreprises ne pourront pas moduler le temps de travail (par exemple, augmenter la durée de travail sans compensation en raison de difficultés économiques) au-delà d’une année, sauf « si cette possibilité est ouverte par un accord de branche ».
- Les critères pour le licenciement économique. Un volet de la loi prévoyait l’extension du recours à des licenciements économiques, non plus au niveau d’un groupe mais au niveau de l’entreprise seule, en cas de « difficultés économiques ou de mutations technologiques ». Manuel Valls a promis une nouvelle rédaction destinée à éviter que les grands groupes puissent « provoquer artificiellement des difficultés économiques sur leur site français pour justifier un licenciement ».

Les régressions qui subsistent :
- Les dispositions sur les heures supplémentaires. Le premier ministre n’ayant pas évoqué la question des heures supplémentaires, on peut supposer que les mesures prévues par le premier avant-projet de loi ne changent pas. Ce dernier prévoyait qu’un accord d’entreprise ou, « à défaut », de branche, pouvait abaisser la majoration des heures supplémentaires jusqu’à un plancher de 10 % minimum. Par ailleurs, les heures supplémentaires pourraient être décomptées (payées ou posées en récupérations) sur une période de trois ans maximum en cas d’accord collectif (seize semaines en cas de « décision unilatérale »).
- L’inversion de la hiérarchie des normes. Actuellement, dans la plupart des domaines, un accord d’entreprise doit être « mieux-disant », c’est-à-dire qu’il ne peut pas être moins favorable qu’un accord de branche ou que le code du travail. L’avant-projet de loi prévoit qu’en de nombreuses circonstances, l’accord d’entreprise puisse s’affranchir des dispositions de l’accord de branche ou du code du travail, sauf si ce dernier prévoit explicitement un minimum. Cette disposition semble avoir été maintenue dans la nouvelle version hormis dans le cas d’une modulation du temps de travail au-delà d’un an.
-  Médecine du travail : Le gouvernement n’a pas repris les suggestions du Conseil d’orientation des conditions de travail, ni évoqué la question de la médecine du travail, dont le rôle est pourtant modifié par le projet de loi, puisque la visite médicale d’embauche ne serait plus obligatoire, et la surveillance renforcée se limiterait aux métiers à risque.

Bonnes idées abandonnées :
La surtaxation des CDD abandonnée. Un temps envisagée par le gouvernement, la surtaxation des contrats à durée déterminée (CDD) semble avoir été écartée. Toutefois, le sujet, évoqué par le gouvernement afin de calmer la fronde, pourrait faire son retour dans le cadre des négociations entre syndicats et patronat autour de la convention Unedic.

Conclusions provisoires :
Grâce à la forte mobilisation qui a été amorcée, cette nouvelle version comporte des améliorations sur les droits à la formation (pour les jeunes non formés et salariés les moins qualifiés).
Mais quelques régressions non négligeables de garanties pour les salariés sont encore présentes.
De plus, il est quand même dommage qu’une loi "pour l’emploi" ne parle que de facilitations pour licencier ou baisse des rémunérations des heures supplémentaires. Pourquoi ne comporte-t-elle aucune disposition pour inciter et aider les entreprises à ne pas licencier, en cas de difficulté économique (comme cela a été le cas en Allemagne, exemple tant de fois cité).
C’est vrai que la mobilisation syndicale et des jeunes a permis d’éviter le pire, Mais il n’est pas interdit de penser qu’une mobilisation supérieure dans les jours à venir permettrait d’améliorer encore cette loi. Pourquoi ne pas essayer ?
Les organisation syndicales de salariés et étudiantes appellent à un rassemblement ce jeudi 17 mars :
- place du commerce à 14h à Nantes
- place de l’Hôtel de ville à 10h30 à Saint Nazaire

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