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Les enjeux des ‘réformes’ du code du travail en préparation

vendredi 21 juillet 2017, par Patrick Cotrel - - -

Selon Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, les modifications du code du travail par ordonnances ont pour objectif "de libérer les énergies des entreprises et des actifs, mais aussi d’adapter les droits des salariés à leurs attentes et à leurs besoins",. Ces adaptations des règles du travail sont implicitement présentées comme indispensables pour « déverrouiller » la création d’emplois.
Quels sont donc les domaines de la réglementation du travail qui sont visés par la réforme ?
Quels impacts vont avoir les autres réformes envisagées (chômage, sécurité sociale, formation professionnelle) ?
Et enfin, ces réformes ont-elles des chances d’être efficaces, au regard des expériences passées et des expériences dans d’autres pays ?

Pour faciliter la lecture, ce dossier sera divisé en deux articles sur ce blog

Premier article : quelle réforme du code du travail ?

Le projet de loi d’habilitation de la réforme par ordonnances est très flou sur le contenu précis des réformes. Mais d’après les interventions et explications des responsables gouvernementaux, on peut reconstituer les objectifs de cette réforme.
Les principaux points sont les suivants :
- La hiérarchie des normes :
Jusqu’à présent, un accord national interprofessionnel (signé par les organisations patronales et les syndicats de salariés) s’imposait à toutes les branches professionnelles et à toutes les entreprises, surtout lorsqu’il avait l’aval de l’Etat (on parlait alors d’un accord étendu).
La réforme vise à "reconnaître et attribuer une place centrale" à la négociation d’entreprise. Exit, donc les négociations nationales interprofessionnelles. Certains domaines seront réservés à des accords de branche professionnelle (classifications, mutualisation des financements paritaires, gestion et qualité de l’emploi (dont le recours au CDD, l’extension des contrats de chantier), égalité professionnelle entre hommes et femmes,… Les branches pourront aussi, si elles le souhaitent, traiter de certains sujets comme la pénibilité, le handicap, les moyens d’exercice d’un mandat syndical.
Tout le reste est du domaine de la négociation d’entreprise.

- Contrats de travail :
Objectif : donner plus de souplesse pour l’utilisation par les employeurs des CDD et créer des "contrats de chantier" qui prennent fin avec le chantier, mais sans la prime de précarité dont bénéficient les CDD.

- Instances représentatives du personnel (IRP) :
Il s’agit de fusionner "en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)", ce qui est déjà possible pour les entreprises de moins de 300 salariés. De plus, les délégués syndicaux qui représentent leur syndicat dans l’entreprise et sont nommés par lui (non élus) pourraient aussi être fusionnés en cas d’accord majoritaire. Par quel mode de désignation ?

- Prud’hommes :
Initialement, un licenciement devait avoir une raison explicite : faute grave du salarié, incompétence professionnelle, ou motif économique. Pour donner plus de souplesse, il a été créé la "rupture conventionnelle" où, moyennant une certaine somme versée par l’employeur, les deux parties mettent fin au contrat de travail sans précision de motif. Actuellement on enregistre en moyenne 30 000 ruptures conventionnelles par mois. Mais cela ne doit pas suffire, ou bien coûter trop cher aux employeurs. C’est la raison pour laquelle le projet veut limiter les indemnités décidées par les prud’hommes pour les licenciements "sans cause réelle et sérieuse". C’est une façon d’officialiser ces licenciements abusifs, moyennant une indemnité qui ne prend pas en compte le dommage réel pour le salarié particulier concerné.

- Licenciements :
Dans le passé, le groupe industriel ou financier auquel appartient l’entreprise qui procédait à des licenciements économiques était solidaire pour les propositions de reclassement dans d’autres entreprises du groupe et pour les moyens financiers mis dans le ‘plan social’. Ce n’est plus le cas avec la loi El Khomeri.
Mais la future ‘loi travail’ en rajoute une couche : pour vérifier les difficultés d’une entreprise qui veut procéder à des licenciements économiques, on prend en compte la situation internationale. Le projet de loi Macron veut restreindre ce périmètre à la convenance du gouvernement (sans doute pour rassurer les investisseurs étrangers).
Enfin, le projet veut définir des situations où le licenciement économique ne peut pas être contesté devant les prud’hommes. La loi El Khomeri avait énoncé plusieurs critères définissant les difficultés économiques d’une entreprise. Le projet macron semble vouloir encore aller plus loin dans la simplification et même l’unification des motifs (baisse sur un ou plusieurs trimestres, suivant la taille de l’entreprise, du chiffre d’affaires ou des commandes). Et pour faire bonne mesure, le projet vise à réduire le délai pour entamer une action en justice.

- Les ‘contreparties’ :
Plusieurs contreparties pour les salariés à cette flexibilité du contrat de travail sont évoquées dans le projet. Par exemple le système du chèque syndical (le salarié opte pour un syndicat lors de son embauche) et la présence de représentants des salariés au Conseil d’administration de l’entreprise, sont évoqués sans trop de précision.
Le compte individuel social du salarié est également évoqué. Mais une de ses composantes, le compte individuel de pénibilité provoque un tollé du côté patronal. Le projet se propose dont de le simplifier... en supprimant certains critères de pénibilité (port de charges lourdes, utilisation de produits toxiques, fortes vibrations au poste de travail, ...) !
L’amélioration des possibilités de formation professionnelle continue pour les salariés sont aussi souvent évoquées dans les contreparties. Mais nous n’en savons pas beaucoup plus, sauf la volonté affichée par le Président que l’Etat recontrôle ce domaine qui était pour le moment dévolu aux partenaires sociaux.
Par contre, l’élargissement de la possibilité de référendum des salariés à l’initiative de l’employeur (sans l’avis des syndicats) est projeté.
Pour télécharger la loi d’habilitation des ordonnances, cliquer ici.

En résumé, il semble bien que ce projet aura pour conséquence une précarisation des salariés et un amoindrissement du rôle des syndicats de salariés et des prud’hommes (instance paritaire entre syndicats de salariés et d’employeurs).
Ce projet reprend point pour point le cahier de doléances du Medef du printemps 2015 : "Contrat de travail : le Medef en a rêvé, Macron l’a fait", titrait le Figaro. On comprend mieux le silence actuel du Medef...

Dans un prochain article, nous reviendrons sur les autres projets sociaux du président Macron, sur le sens global de ces réformes et sur leurs chances de succès.
Pour lire ce second article, cliquer ici.

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