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Annonce d’une baisse du chômage par l’INSEE :
La prudence s’impose !
dimanche 25 février 2018, par - Au fil des jours - Emploi
L’INSEE vient d’annoncer que le taux de chômage en métropole est passé de 9,3% (fin septembre) à 8,6% de la population active à la fin 2017.
On nous l’avait bien dit : tous les voyants de la croissance étaient passés au vert. Seuls les grincheux en doutaient !
Rappel : le taux de chômage est le rapport entre le nombre de chômeurs et l’ensemble de la population active (constituée les personnes en emploi et des chômeurs). Cette ‘bonne‘ nouvelle peut donc se traduire par le constat de la diminution du nombre de chômeurs (en un trimestre, la population active n’a sans doute pas beaucoup varié).
Regarder de plus près :
Si le nombre de chômeurs a diminué, cela devrait se voir dans les chiffres publiés fin décembre par Pôle Emploi (et commentés sur ce blog : cliquer ici).
Selon Pôle Emploi, au dernier trimestre 2017, le nombre de chômeurs de catégorie A a diminué de 2 700 (soit 0,08%), tandis que l’ensemble des chômeurs de catégories A, B et C a augmenté de 1 100 (soit 0,02%) !
Y’a un truc !
Si on regarde de plus près les séries de chiffres de l’INSEE, le nombre de chômeurs aurait diminué de 205 000 au cours de ce trimestre. Et c’est un record, puisqu’en remontant jusqu’à l’année 2000, l’INSEE n’a jamais enregistré une telle baisse sur un trimestre : le record précédent était de 133 000 au dernier trimestre 2007 !
Comparer les chiffres, les définitions et les méthodes :
Valeurs en millions
Remarque : la définition du chômeur au sens du BIT étant très restrictive, l’INSEE a comptabilisé le ‘halo autour du chômage’.
Malgré cela, les chiffres enregistrés sont très différents : 4 millions au total pour l’INSEE, contre 5,6 millions pour Pôle Emploi. Ce constat n’est pas nouveau.
Par contre, et presque plus inquiétant, on constate des tendances très divergentes : diminution autour de 10% pour l’INSEE et augmentation de 2,5% pour Pôle Emploi !
Comment comprendre une telle divergence entre ces deux indicateurs ?
Les définitions :
Pour Pôle Emploi, un chômeur de cat. A est une personne privée involontairement d’emploi, à la recherche d’un emploi à temps plein et durée indéterminée, immédiatement disponible, qui fait des actes positifs de recherche d’emploi et n’a effectué aucun travail au cours du mois précédent. Pour attester cela, il actualise sa demande chaque mois (le ‘pointage’).
Lors de l’actualisation, s’il déclare avoir effectué quelques heures ou quelques jours de travail durant le mois précédent, tout en étant toujours à la recherche d’emploi à temps plein, sa demande est basculée en catégorie B ou C.
La définition de l’INSEE est plus restrictive : est chômeur une personne qui n’a pas travaillé (même une heure) au cours de la semaine de référence, qui est disponible pour prendre un emploi dans les deux semaines et a effectué des démarches de recherche d’emploi dans le mois précédent.
Le halo autour du chômage est composé de personnes qui recherchent un emploi mais qui ne sont pas disponibles dans les deux semaines pour travailler, ainsi que des personnes qui souhaitent travailler mais qui n’ont pas effectué de démarche active de recherche d’emploi dans le mois précédent, qu’elles soient disponibles ou non
Hervé Péléraux, économiste à l’Office Français des Conjonctures Economiques dans le hors-série d’Alternatives économiques (« L’état de l’économie 2018 ») exprime ses doutes par rapport à ces définitions : les malades, les personnes exerçant une activité bénévole, les chômeurs de longue durée découragés qui ne sont plus assidus dans leur recherche d’emploi, …ne sont pas considérée comme chômeur. (voir son intervention ci-dessous).
La méthode :
D’un côté, on a un recueil de déclarations individuelles (même s’il y a des variations dues aux conditions de l’actualisation), et de l’autre des sondages. Même s’il y a des règles d’interprétation des sondages, cela génère des incertitudes non négligeables. D’autant que la population actives est, elle aussi le résultat de sondage.
Un essai d’explication
Depuis plusieurs années, on assiste à une montée continuelle du chômage qui se concrétise par des suppressions d’emploi stables. Et la plus grande part des emplois qui se créent sont des emplois précaires,
des ‘petits boulots’ de courte durée ou à temps partiel. C’est ainsi que depuis août 2013, le nombre d’intérimaires a augmenté au rythme de 14% par an. De même, le nombre de chômeurs de catégorie B et C augmente continuellement au rythme de 8% par an (voir courbe), alors que la catégorie A est stabilisée depuis l’été.
Or, pour l’INSEE (au sens du BIT), la plupart de ces chômeurs de cat B et C ne sont pas des chômeurs ; de même qu’une bonne partie des chômeurs de longue et très longue durée découragés (ce qui n’est pas surprenant après 2 ou 3 ans de chômage) sont rejetés dans le ‘halo autour du chômage’.
Conclusion : Les définitions adoptées par l’INSEE ne peuvent pas refléter les caractéristiques actuelles du chômage, qui se traduit par une forte montée de la précarité et des temps partiels imposés.
Pas étonnant, dans ces conditions, que la Ministre du travail ait refusé de commenter les chiffres mensuels de Pôle Emploi, et qu’elle ait décidé de supprimer la publication mensuelle de ces chiffres (casser le thermomètre pour combattre la maladie…), puisque son gouvernement a facilité le recours des employeurs à des contrats de travail précaires par les ordonnances travail.
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