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L’application ‘StopCovid’ en question
mardi 28 avril 2020, par - Au fil des jours - Energies - Climat - Développement Durable
Le gouvernement tente de faire passer « à la hussarde » l’autorisation de développer une application pour téléphone portable (smartphone) permettant d’indiquer au propriétaire de ce téléphone s’il a côtoyé une personne porteuse du coronavirus.
Certains réagissent vivement au nom des libertés individuelles et lancent même des pétitions (que je n’ai pas relayées pour le moment) pour s’opposer à ce projet. D’autres prétendent que cette application ne menace pas plus les libertés individuelles que ce qui existe aujourd’hui, mais qu’elle pourrait être efficace contre le coronavirus…
Faisons le point.
Quelle est cette application StopCovid ?
Il s’agit d’une application qui peut être installée sur le smartphone des personnes qui le souhaitent qui stockera le repère des tous les autres smartphones croisés de près. Si le propriétaire d’un smartphone est repéré comme porteur du virus, sa chaîne des contacts sera envoyé à un site central qui lancera une alerte vers tous les smartphones de la chaîne. Il sera ainsi conseillé à chaque personne contactée (et possiblement infestée) de voir d’urgence son médecin pour être testé. Ce qui suppose que les tests soient largement diffusés, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Les chaînes sont détruites au bout de 14 jours (temps d’incubation).
Les garanties pour les utilisateurs résident dans le fait que le fichier central ne comporte pas les noms et coordonnées des personnes. Mais on peut craindre que des individus malveillants récupèrent ce fichier central et fassent des rapprochements. Les GAFA utilisent bien les cookies pour cibler les publicités !
Certains diront que les applications actuelles permettent (bien plus grave !) la localisation géographique des personnes.
La différence, c’est que la sécurité de ces données est strictement encadrée la la loi : seul un juge peut autoriser (avec des raisons précises) leurs exploitation. Et c’est parfois précieux pour des affaires criminelles.
Or ici, il est proposé une application permettant de tracer quels sont les citoyens qui ont côtoyé tel ou tel autre personne ou groupe de personnes. On imagine bien quelle menace de ‘flicage’ systématique cela comporte. Pas dans les intentions, mais dans les faits.
C’est la raison pour laquelle il faut une loi pour modifier les règles actuelles.
L’Europe divisée :
Au point de départ, les études sur cette application étaient communes à plusieurs pays européens. Mais depuis la mi avril, des divergences de conception sont apparues, avec la Suisse en particulier. La divergence principale porte sur l’utilisation d’une plate-forme centrale : pour les Suisses, cette plateforme n’est pas utile ; c’est le smartphone du ‘malade’ qui alerte directement tous les smartphones de la chaîne des contacts.
Finalement plusieurs pays se sont ralliés à solution suisse (dite DP-3T) considérée comme moins intrusive : Autriche, Estonie et l’Allemagne maintenant.
Encore une occasion manquée pour la construction européenne ...
On voit donc bien qu’un débat, avec tous les éléments techniques et philosophiques nécessaires, est indispensable : il faut que le débat parlementaire ait lieu, comme le réclament de nombreux parlementaires (y compris de la majorité), même s’il faut prendre un ou deux jours de plus pour cela.
A propos de l’efficacité de l’application :
Le premier défi est technologique : comment utiliser les liaisons Bluetooth pour vérifier la proximité sur un certain temps, alors qu’elles ne sont pas faites pour cela : "Une application qui détecterait tout téléphone à une quinzaine de mètres pourrait entraîner de nombreuses alertes non-fondées, par exemple pour ceux qui prennent les transports en commun, ou qui travaillent dans des zones denses."(BFM)
Le second défi réside dans le nombre de personnes qui installeront l’application : "Nous estimons que près de 60% de la population aurait besoin d’utiliser l’application pour qu’elle ait un impact significatif", détaille à franceinfo Christophe Fraser, co-auteur d’une étude publiée par Science. Or, plus de 20 % des français n’ont pas de smartphones ; et c’est particulièrement le cas de beaucoup de personnes âgées, qui sont pourtant les personnes particulièrement menacées par le virus.
Au total :
Non seulement le gouvernement, mais aussi le parlement, devra effectuer un premier arbitrage qui prenne en compte les chances que l’application StopCovid soit chargée par une grande majorité de citoyens et ait un réel impact, en regard des risques qu’elle représente pour les libertés publiques.
Ce sera ensuite à chaque citoyen de faire son propre arbitrage personnel pour déterminer s’il charge ou non cette application…
Nous vivons une époque de grands chamboulements, et cette crise sanitaire va nous obliger, collectivement, à effectuer plusieurs autres arbitrages très importants :
priorité à la reprise rapide de l’activité économique, ou bien à la sécurité sanitaire ?
priorité à la reprise rapide de l’activité économique, ou bien à la prise en compte différencié de l’impact des différents domaines économiques sur le climat et la biodiversité, pour éloigner le spectre d’une crise encore bien plus redoutable dans la décennie à venir ?
Autant de choix que nous ne pourrons pas éluder plus longtemps...
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