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Chômage : quelle évolution ?
samedi 16 juin 2018, par - Au fil des jours - Emploi
Les derniers chiffres publiés par l’INSEE et Pôle Emploi ne dégagent pas de tendance claire.
Par exemple, les chiffres de l’INSEE en fin de premier trimestre 2018 nous indiquent un nombre de chômeurs en hausse de 83 000, par rapport à décembre 2017 (date à laquelle était annoncée une baisse record de 205 000 chômeurs). Mais si on examine les chiffres de Pôle Emploi à la fin mars, on a une vision différente : Le chômage de catégorie A est en baisse de 30 000 par rapport à décembre 2017, mais il est en hausse de 10 000 pour les cat.A, B et C.
Si on regarde maintenant les chiffres de Pôle Emploi d’avril, l’augmentation des cat.A, B et C sur un an est un peu freinée (+1,6%, contre +2,2% en mars), au bénéfice de la tranche d’âge des 25-50 ans. Mais la tendance à la baisse annuelle des cat.A est moins marquée (-2%, contre -4,1% en mars). L’augmentation continue depuis plusieurs années des cat.B et C semble suspendue.
Cela ressemble à un jeu de balancier très conjoncturel autour d’un point d’équilibre.
On a donc deux visions contradictoires de l’évolution trimestrielle du chômage, mais sans bouleversement important.
Rappel :
Les définitions utilisées par les deux institutions pour produire les chiffres du chômage sont complètement différentes, et rendent les comparaisons difficiles.
Quelques exemples :
Un chômeur qui accepte de travailler quelques heures ou quelques jours dans le mois est classé en cat. B ou C par Pôle Emploi, mais est considéré comme étant au travail (non chômeur) par l’INSEE.
Un chômeur de longue durée (1 an) ou de très longue durée (3 ans ou plus), qui pointe toujours à Pôle Emploi, mais qui, découragé, avoue en entretien qu’il n’a pas effectué de démarche récente de recherche d’emploi, ne fait plus partie de la population active pour l’INSEE.
Il faut quand même garder en tête que pour Pôle Emploi, le total des chômeurs de cat.A, B et C se chiffre à 5,6 millions (résultat du pointage individuel de chaque personne), alors que pour l’INSEE, le nombre de chômeurs est de 2,59 millions (résultat par sondage).
Les évolutions de long terme :
Tout le monde est d’accord pour considérer que la "croissance" est revenue dans la zone Euro, y compris en France. Et cela a créé des emplois.
Mais qu’est-ce qui a effectivement changé sur le marché du travail et pour les différentes catégories de citoyens sur une période longue ; par exemple depuis avant la "crise" de 2008 ?
C’est au troisième trimestre que, selon l’INSEE, le nombre de chômeuses est passé sous le nombre de chômeurs. C’est un peu anecdotique, car le taux de chômage des femmes reste toujours plus élevé que celui des hommes. Du côté de Pôle Emploi, c’est en août 2009 que ce basculement a eu lieu, sans être définitif, puisque les chiffres se sont croisés à plusieurs reprises. Finalement, cette annonce est un non-évènement, car aujourd’hui, il y a 2,9 millions de chômeuses (cat.A, B et C) pour 2.7 millions de chômeurs.
Evolution de la population active : Alors que la population totale âgée entre 15 et 64 ans a peu évolué entre juin 2008 et mars 2018 (+0,2 millions), la population active (= les personnes en emploi + les chômeurs) a fortement augmenté (+1,4 millions). C’est la conséquence directe de l’allongement de l’âge de la retraite. Mais du fait de la "crise", le nombre d’emplois n’a pas augmenté. Conséquence : près de la moitié de la tranche d’âge 55-64 ans (48% hors emploi) est au chômage de longue durée (>1 an) ou très longue durée (>3 ans), ou bien considérées par l’INSEE comme inactive. Autre conséquence : La tranche d’âge des 25-49 ans a vu son taux d’emploi diminuer de 2,8%.
Les chômeurs de longue durée laissés pour compte : L’INSEE les évalue à 1 million. Etant donnée sa définition restrictive du chômage, ce chiffre est fortement sous-évalué : comment penser qu’un chômeur qui a 2 ou 3 ans de chômage (surtout s’il a plus de 55 ans) n’est pas découragé et engage chaque mois des démarches toujours aussi déterminées de recherche d’emploi ?
Du côté de Pôle Emploi, on chiffre les chômeurs de longue durée à 2,6 millions en avril 2018 (46% de l’ensemble des chômeurs), dont 0,9 million ont plus de 3 ans de chômage. Ces chômeurs de plus d’un an n’étaient que 1,1 millions en juin 2008 ! Leur nombre ne cesse de croitre : ce sont les laissés pour compte de la "reprise". Et ce n’est pas la diminution drastique des emplois aidés qui va les favoriser !
La précarisation du travail : Le meilleur indicateur de cette précarisation, c’est le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle Emploi, qui sont toujours à la recherche d’un emploi stable et à temps complet , mais qui ont accepté des petits boulots de quelques heures ou quelques jours dans le mois. Précision : il ne sont pas considérés comme chômeurs par l’INSEE. Ils étaient 1 million en juin 2008, et ils sont 2,2 millions en avril 2018 !
On le voit, la "reprise de la croissance" a surtout créé des emplois de plus en plus précaires (ce que la réforme de la loi travail a encouragé) et n’a pas redonné une chance aux plus en difficulté : les inégalités continuent de se creuser.
Et tant mieux si "on dépense un fric de dingue" pour permettre à ces exclus de survivre. Et merci pour la leçon de notre président qui, pourtant, vient de dépenser "un fric de dingue" (500 000€) pour changer la vaisselle de l’Elysée !
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