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Une programmation Pluriannuelle de l’Energie pas à la hauteur de l’enjeu
jeudi 6 décembre 2018, par - Au fil des jours - Déplacements - Développement Durable
La ‘loi de transition énergétique pour la croissance verte’ a été votée en 2015 par l’ancien gouvernement fixe des objectifs pour les décennies à venir. Elle doit être complétée par des documents de programmation : la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui programme la baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France jusqu’en 2028, pour atteindre une division par quatre des émissions d’ici à 2050, et la PPE qui doit prévoir les besoins en énergie et les moyens pour y répondre (baisse de la consommation, diminution des énergies fossile, de la part du nucléaire, augmentation des énergies renouvelables).
Voir à ce sujet l’article publié sur ce blog le 18 septembre 2018, en cliquant ici.
C’est ce document de la PPE qui a été présenté la semaine dernière par le Président Macron et le Ministre de Rugy.
Cette PPE a été débattue de façon très intéressante pendant 20 minutes dans l’émission "On n’arrête pas l’éco." samedi dernier par Christian Chavagneux (Alter.Eco), Emmanuel Lechypre (BFM Busines) et Audrey Pulvar (Présidente de l’ex fondation Hulot). Pour écouter ce débat éclairant, cliquer ici.
Une grande absente : les économies d’énergie
Ce volet est pratiquement absent de la PPE, alors qu’il est fondamental.
Par exemple, lorsqu’on veut changer une chaudière individuelle, la première question qu’un conseiller en énergie vous pose, c’est celle de l’isolation thermique de la maison : cela ne sert à rien de changer une chaudière si la maison est une passoire thermique.
L’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas !
C’est en plus un domaine qui accroit les inégalités sociales en France : 11 millions de personnes (7 millions de foyers) sont touchés par la précarité énergétique
Et c’est justement un des points fondamentaux qui ont provoqué le départ de Nicolas Hulot : ce budget a été divisé par deux ! Il n’est plus que de 1 milliard€ par an, alors qu’il en faudrait 2 pour mobiliser 2 autres milliards d’investissements privés pour parvenir aux 4 milliards permettant d’isoler 500 000 logements par an.
Faire des efforts maintenant, pas dans 10 ou 20 ans !
Lors du débat sur France Inter, les trois intervenants étaient d’accord avec cette affirmation, y compris Emmanuel Lechypre (qui représente pourtant les milieux d’affaires). Selon plusieurs études, le coût économique annuel du réchauffement climatique (par l’énergie, la perte de récoltes, les inondations, …) sera de 5 à 20% du PIB mondial en 2050. Et plus on attend pour réduire des émissions de Gaz à Effet de Serre, et plus cela coûtera cher. Il est indispensable d’accompagner les efforts des plus pauvres, en attendant le retour à moyen terme sur le niveau de vie. Transition écologique et justice sociale sont liées.
Or le gouvernement reporte les efforts à après 2023 tant dans le domaine de l’isolation des logements que pour les investissements massifs dans les énergies renouvelables (éoliennes terrestres et offshore) et le développement des transports ferroviaires…
C’est la même philosophie que pour le projet de décret sur la Stratégie Nationale Bas Carbone : en 2015, 2016, 2017 et sans doute en 2018, la France a largement dépassé les objectifs fixé en novembre 2015. Mais au lieu de mettre les bouchées doubles pour rattraper ce retard, les efforts sont reportés à après 2023 (voir l’article cité plus haut).
Nucléaire : le gouvernement ne sait plus compter !
Encore une fois, le gouvernement reporte à beaucoup plus tard (2035) la baisse à 50% de la part du nucléaire dans la production d’électricité. Et aucune fermeture de centrale n’interviendra avant 2023 (Fessenheim). Après 2027, il faudra fermer 14 réacteurs jusqu’en 2035. Mais pour prolonger le fonctionnement les autres réacteurs, il faudra procéder à des remises à niveau appelées ‘grand carénage’ dont le coût est estimé à 100 Milliards € par la cour des comptes.
Audrey Pulvar souligne que ce coût empêche d’investir massivement dans les énergies renouvelables. Un autre choix est possible, qui permettrait l’arrêt de 16 réacteurs dès 2030.
De son côté, Christian Chavagneux fait le calcul suivant : Après la fermeture des 14 réacteurs, la capacité du parc nucléaire français sera de 340 TWh, normalement réduit à 50% de la production totale d’électricité. Donc, la capacité totale d’électricité sera de 680 TWh, alors que la consommation actuelle n’est que de 480 TWh et a tendance à diminuer (voir par exemple le saut technologique représenté par le passage des lampes à incandescence classiques au LED). Que fera-t-on de ce surplus énorme ???
Exporter vers nos voisins européens ? Alors que ceux-ci auront fait l’effort de sortir du nucléaire, et qu’une exportation massive fera baisser les prix ?
Idée lumineuse d’EDF : remplacer les voitures à essence par des voitures électriques … au lieu de chercher comment restreindre la place de la voiture individuelle (qui occupent une telle place dans les centre-ville).
Comme l’a dit Emmanuel Lechypre, la voiture électrique va prendre la place du chauffage électrique des années 60 (pour griller l’électricité produite la nuit par les réacteurs nucléaires) !
Au total, ces documents de programmation gouvernementaux de la transition énergétique sont très loin d’être à la hauteur des enjeux de la lutte pour le climat et du rôle international que Macron revendique, sans s’en donner les moyens.
Sur le même sujet, voir l’article du site Reporterre, en cliquant ici.
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