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Prix des carburants et transition écologique

vendredi 9 novembre 2018, par Patrick Cotrel - - -

La hausse des carburants provoque un mécontentement qui va jusqu’à un appel à bloquer les routes le 17 novembre.
Il est vrai que les prix à la pompe ont assez fortement augmenté.
Mais 70% de cette augmentation est due à l’augmentation du prix du pétrole.
Bien sûr à cela s’ajoute le rééquilibrage du prix du gazole par rapport à l’essence : amorcé sous le gouvernement socialiste, nous sommes bientôt arrivés à la parité entre les prix de ces deux carburants. Mais pourquoi en serait-il autrement, puisque les prix de production sont identiques et, si le gazole produit un peu moins de CO2, il produit beaucoup plus d’oxydes d’azote et de particules fines qui sont une catastrophe pour la santé publique : on estime à 48 000 le nombre de morts prématurées en France à cause de ces polluants.
Car telle est bien la question : les carburants coûtent cher aux automobilistes, mais ils coûtent très cher à la nature et au climat. Les voitures individuelles émettent 15% de l’ensemble des émissions de CO2 en France. Et personne ne peut ignorer que le réchauffement climatique représente un danger vital pour la survie de l’humanité et de la biodiversité.
Donc, essayer d’inciter les automobilistes à réduire leur consommation de carburant (essence ET gazole) n’est pas une idée choquante en soi. Rappelons que pour 1km effectué en avion nous émettons en moyenne 240g équivalent CO2 pour 1 km, contre 150g en voiture et 11g en train.
Alors, qu’est-ce qui cloche ? Pourquoi la contestation sur le prix des carburants prend une telle ampleur ?
Ce qui cloche, c’est que les réelles priorités pour le gouvernement (à travers ses budgets 2018 et 2019) sont les avantages financiers très importants pour les plus riches et pour les entreprises, ainsi que la réduction du déficit ; et non pas la transition écologique et énergétique. Une analyse sommaire du budget de l’Etat le montre facilement.
Il faut donc bien trouver l’argent quelque part, puisque le gouvernement ne semble pas disposé à modifier ses priorités.
Après la baisse de pas mal de prestations sociales (famille, aide au logement) et des retraites, l’augmentation des taxes sur les carburants peut sembler une aubaine pour renflouer le budget de l’Etat.
Si on regarde de près, les taxes sur le carburant (TICPE) représentent 33,4 Milliards€, soit l’équivalent du budget du Ministère de l’écologie (selon Francois de Rugy). Mais il oublie de dire que la TICPE ne représente qu’une partie de la fiscalité environnementale (avec les taxes sur l’électricité, le gaz, l’eau, …), qui représente un total de 51,2 milliards€.
En réalité, sur la TIPCE, 13,3 milliards€ vont directement dans les caisses de l’Etat et 12 milliards€ vont aux régions et département pour compenser les décentralisations. (voir l’article du Monde.fr en cliquant ici).
Au total, la fiscalité écologique est beaucoup plus importante que les crédits consacrés à la transition écologique et énergétique. N’oublions pas que la coupe sévère dans les crédits dédiés aux aides à l’isolation des logements est un des motifs de la démission de Nicolas Hulot.
Ce qui cloche, c’est que le discours du gouvernement sonne faux car l’environnement apparait pour une bonne part comme un prétexte (voir note 1).
Ce qui cloche, aussi, c’est que les différentes couches de la population sont touchées très inégalement par ces augmentations (même si c’est parfois mis en avant par ceux qui ont le moins de difficultés). On peut évoquer, par exemple, le cas des salariés ayant un petit salaire et qui habitent en zone rurale non desservie par des transports en commun.
C’est d’ailleurs dans le même esprit que les collectivités locales mettent souvent en place des tarifs différenciés, suivant les revenus familiaux, et des abonnements travail (pris en charge en partie par les entreprises). C’est aussi pour dissuader de l’utilisation des voitures individuelles que ces mêmes collectivités financent l’investissement pour le développement des transports en commun et prennent à leur charge 60% des frais de fonctionnement. Mais s’il n’y a pas desserte, la voiture devient obligatoire.
Les écologistes doivent dire clairement :
Que la transition écologique et énergétique ne doit pas se faire sur le dos de ceux qui sont le plus en difficulté. De la même façon que les accords internationaux sur le climat ne peuvent pas se faire sur le dos des pays en voie de développement ; et doivent donc intégrer des transferts de technologies et de finance en leur faveur.
En conséquence, nous devons revendiquer, non pas une baisse du prix des carburants, mais :
- de consacrer des moyens pour proposer des alternatives (organisation de covoiturages ou de ramassages, achat de véhicules plus sobres, …) ou des compensations crédibles pour les personnes les plus déstabilisées par l’augmentation des prix des carburants ;
- au moins que l’ensemble des taxes environnementales soient consacrées à la transition écologique et énergétique, et plus si on veut sortir du ‘green washing’ ;
- exiger des moyens nécessaires pour proposer des aides efficaces pour l’isolation des logements conformes aux objectifs affichés ;
- exiger les investissements nécessaires pour développer les transports en commun et toutes les solutions permettant de diminuer l’usage de la voiture individuelle et la dépendance au pétrole ;
- développer le fret ferroviaire (autrement qu’en parole) ;
- des investissements importants pour développer les énergies renouvelables et la recherche sur le stockage de l’énergie ;
- la taxation du kérosène (actuellement détaxé) afin de rétablir un équilibre entre les vols ‘low coast’ et le train pour le tourisme. Taxation du fuel lourd pour les paquebots ;
- ….

Note 1 : Le premier ministre, Edouard Philippe, assure que cette politique de dissuasion fiscale, bien qu’impopulaire, est dictée par l’impératif écologique : "Il faut pouvoir inciter nos concitoyens à changer un certain nombre de comportements qui sont problématiques du point de vue des équilibres environnementaux", déclare-t-il en réponse à la grogne des automobilistes. "C’est compliqué, mais (…) il n’y a vraiment pas le choix et, d’une certaine façon, il y a urgence."

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