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Les enjeux des ‘réformes’ du travail en préparation (2)

lundi 24 juillet 2017, par Patrick Cotrel - - - -

Selon Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, les modifications du code du travail par ordonnances ont pour objectif "de libérer les énergies des entreprises et des actifs, mais aussi d’adapter les droits des salariés à leurs attentes et à leurs besoins",. Ces adaptations des règles du travail sont implicitement présentées comme indispensables pour « déverrouiller » la création d’emplois.
Quels sont donc les domaines de la réglementation du travail qui sont visés par la réforme ?
Quels impacts vont avoir les autres réformes envisagées (chômage, sécurité sociale, formation professionnelle) ?
Et enfin, ces réformes ont-elles des chances d’être efficaces, au regard des expériences passées et des expériences dans d’autres pays ?

Pour faciliter la lecture, ce dossier a été divisé en deux articles sur ce blog. Voici le second.

Second article : la logique de ces réformes

Dans le premier article, nous avons fait le constats suivant : "En résumé, il semble bien que ce projet aura pour conséquence une précarisation des salariés et un amoindrissement du rôle des syndicats de salariés et des prud’hommes (instance paritaire entre syndicats de salariés et d’employeurs)." Pour relire ce premier article, cliquer ici.
Mais, selon le gouvernement, cette "souplesse" (=précarisation) doit être accompagnée de contreparties en terme de sécurisation des parcours individuels des actifs.
Les "contreparties" :
- Le "chèque syndical" et la représentation des salariés au Conseil d’administration de l’entreprise : ces points sont vaguement évoqués dans la loi, mais peu évoqués dans les discours (déja évoqué).
- L’augmentation du pouvoir d’achat des salariés par la suppression des retenues des salariés au titre de l’assurance chômage et de l’assurance maladie. C’est l’Etat qui va se substituer, en contrepartie d’une augmentation de la CSG, qui touchera particulièrement les retraités.
- C’est donc une étatisation de l’assurance chômage qui va avoir lieu, avec une négociation entre l’Etat et le patronat (qui continue à cotiser). L’Etat va décider d’étendre l’indemnisation du chômage à des catégories nouvelles d’actifs (travailleurs indépendants, salariés démissionnaires une fois tous les 5 ans). Une alerte : le candidat Macron a annoncé vouloir faire une économie de 10 milliards € par an sur l’assurance chômage ; qui en fera les frais ???
Dans la même logique, on va avoir une étatisation plus complète de l’assurance maladie.
- La formation professionnelle. La plus grosse part des crédits de la formation professionnelle continue (FPC) provient des entreprises. Jusqu’à présent, les fonds sont collectés par les OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) et gérés paritairement par les syndicats ouvriers et patronaux. S’appuyant sur les défauts (réels) de ce système, le gouvernement semble vouloir affecter la plus grande partie de ces sommes au Compte Personnel de Formation, avec l’intention affichée d’améliorer le droit des salariés à la formation/reconversion. Du coup, les OPCA (à gestion paritaire) seront supprimés. Qui va réguler les achats et le financement des formations ???
La logique de ces réformes :
- La fin du paritarisme ? Le point commun de toutes ces réformes, si on y ajoute la fin des négociations nationales interprofessionnelles et la restriction du périmètre des prud’hommes, c’est la disparition du paritarisme ; ou plus exactement du rôle national des syndicats de salariés, puisque les employeurs, qui continueront à cotiser à l’UNEDIC et à la FPC, auront toujours la capacité de négocier avec l’Etat. La première grosse conséquence de ces réformes, c’est l’exclusion des syndicats ouvriers des négociations nationales sur les règles du travail, ainsi que sur la gestion des institutions sociales liées au travail. Nul doute que cela ne peut qu’affaiblir les intérêts globaux des salariés et amoindrir la réalité des "contreparties".
- La recentralisation par l’Etat : L’autre caractéristique importante de ces réformes, c’est la recentralisation vers l’Etat des orientations et de la gestion des relations sociales en France.
Soyons clair : nous ne considérons pas que le système actuel, par exemple de la FPC, soit parfait. Il a permis beaucoup d’abus et pas assez bénéficié aux moins qualifiés qui en avaient le plus besoin. Mais, normalement, ce sont les Régions qui ont en charge la FPC (pour les chômeurs et les jeunes sans emploi ni qualification). Et lorsque plusieurs Vice présidents écologistes ont été en charge de la FPC, ils ont développé des échanges avec les partenaires sociaux et avec Pôle Emploi pour avancer vers une coordination et une meilleure efficacité de la FPC vis à vis des moins qualifiés... Le gouvernement Macron-Philippe tire un trait sur tout cela et recentralise !
- Le rejet du ’modèle’ social-démocrate : Comme le souligne Guillaume Duval dans ’alternatives économiques’ de juin 2017, cette évolution nous rapproche d’un modèle anglo-saxon de société, mais tourne le dos au modèle ’social-démocrate’ plus ou moins à l’oeuvre en Allemagne et dans les pays européens du Nord.
En Allemagne, par exemple, dans l’industrie (qui exporte !), la syndicalisation des salariés est quasi obligatoire et les représentants du personnel ont la moitié des sièges au sein des Conseils d’administration des entreprises. Dans un Etat décentralisé, les syndicats de salariés sont une force incontournable.
Comme le souligne Sandrine Foulon dans le même N° d’’alternatives économiques’, "trente ans de dérégulation du travail n’ont pas réussi à endiguer le chômage qui reste à des niveaux élevés depuis les années 1980."
Il est malheureusement probable que ce nouveau et grand pas vers la dérégulation du travail ne résoudra pas les problèmes du chômage en France.

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