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Et Dieu, dans tout çà ?
mardi 20 janvier 2009, par - Au fil des jours - El Salvador
Il est impossible de parler du Salvador sans parler de religion(s) : « El Salvador » = « Le Sauveur ».
Dès l’arrivée dans la ville de
San Salvador, on est frappé par le nombre de slogans du type « Dieu est amour » qui ornent les immeubles, des panneaux publicitaires, les bus, ...
On est également frappé par la découverte de nombreuses églises, mais aussi d’une foultitude de temples d’églises de toutes sortes (évangéliques, adventistes, église de la paix, enfants de Sion, témoins de Jéhova, église de la lumière, ...).
Pour mieux comprendre, il faut refaire un peu d’histoire.
Monseigneur Romero et la guerre civile :
Arrivée avec les Espagnols, la religion catholique a longtemps été un des piliers du pouvoir conservateur des grands propriétaires terriens (opposés à la bourgeoisie capitaliste embryonnaire). Mais dans les années 1970, l’église d’Amérique latine est travaillée par le « Théologie de la libération ». Dans ce contexte, la nomination d’Oscar Romero comme évêque de San Salvador en 1977 est bien ressentie par les possédants : il est réputé pour être conservateur.
Mais 3 semaines après sa nomination, un père jésuite Rutilio Grande, ami proche de Romero, est assassiné par un groupe para militaire.
Pendant 3 ans, Romero ne va pas cesser de dénoncer les injustices, les violations des droits humains, les tortures, les massacres. Il lancera des appels à Jimmy Carter et à Jean-Paul II, ainsi qu’un appel aux militaires à désobéir.
Arrêté à plusieurs reprises, menacé de mort, mais refusant des gardes du corps, Monseigneur Romero est assassiné en pleine messe le 24 mars 1980. Pire : à son enterrement, l’armée et les para militaires tirent dans la foule en faisant de nombreuses victimes.
Son souvenir reste très vivace au Salvador et en Amérique latine : il est lié aux plaies encore ouvertes de la guerre civile.
Diviser l’église :
Face à la montée militaire, puis politique
de l’opposition de gauche, face à une église catholique qui n’est plus un pilier sûr et fidèle des possédants, on ne peut s’empêcher de penser que le développement de ces églises évangéliques protestantes, principalement importées des USA, n’est pas le fruit du hasard.
Bien entendu, cela provient de faiblesses de l’église catholique : le virage conservateur du Vatican à partir de Jean-Paul II a sans doute été ressenti comme un abandon. Mais la multitude d’églises très prosélytes (proche du sectarisme), très militantes en direction des couches très défavorisées, mais très divisées entre elles, apporte beaucoup de confusion et de sujets de division.
Dans la famille Menjivar, plusieurs de ces églises sont représentées et
un temple adventiste a été construit sur le terrain familial. En interrogeant des membres de ces différentes églises sur ce qui les sépare, la seule réponse un peu cohérente que nous avons obtenue est ... une divergence sur le jour de la célébration hebdomadaire (le samedi ou le dimanche) ! Mais chacun est persuadé que seule son église agit comme il faut pour soustraire les jeunes à la violence, que tout le passé, le présent et l’avenir est écrit dans la bible et les prophéties, ...
L’insécurité : réalité et arme idéologique
Une crainte hante cette société salvadorienne : l’insécurité et la peur des « bandillas ». Ce sont des bandes de jeunes organisées en mafias qui font preuve de grande violence armée, particulièrement lors de leurs rixes et affrontements réciproques, ainsi qu’avec la police.
Un neveu de Julio et Teresa, qui s’était approché de l’une de ces « bandillas » a été abattu au pistolet par une bande rivale il y a deux ans.
On peut sans doute attribuer l’existence de ces « bandillas » à l’héritage de la violence de la guerre civile, au chômage de masse et à la grande pauvreté qui règne ici. Mais cette peur de la violence devient une obsession :
chaque agence bancaire, chaque pharmacie, chaque petit centre commercial, et même chaque centre de santé, possède son garde privé armé. Les gardes privés armés sont plus nombreux que les militaires dans le pays ;
chaque maison en ville a ses murs surmontés de barbelés ;
chaque automobiliste circule avec les portes verrouillées ;
mais c’est aussi pour cela qu’énormément d’armes sont en circulation et que les panneaux « armes interdites dans ce lieu » sont courants.
Et c’est au nom de cette insécurité
que les groupes militants des églises plus ou moins sectaires apportent la « vérité » aux jeunes des quartiers pour les soustraire aux « bandillas ». C’est au nom de cette insécurité que le parti ARENA fait sa campagne politique à San Salvador avec le slogan « Limpieza, orden, securidad » (Propreté, ordre et sécurité).
Une bataille idéologique est à l’oeuvre ...
Pour notre part, nous pouvons témoigner qu’à aucun moment, ni dans les bus, ni dans la rue des quartiers réputés « chauds » (aux heures où il y a du monde, bien entendu), nous ne nous sommes sentis menacés. Nous avons toujours rencontré des gens aimables et toujours prêts à aider.
Il serait ridicule de nier l’existence des « bandillas », mais l’alcool ou l’insécurité routière nous paraissent faire aussi beaucoup de victimes : un neveu de Julio et Teresa a eu un bras arraché par un bus et beaucoup de jeunes sont victimes de l’alcool et de la drogue.
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